Dilek Goçuk professeure de mathématiques au collège Germaine Tillion, Livry-Gargan.
Dans cet article, je souhaite vous faire part de mon expérience, qui a eu lieu de septembre 2021 à mai 2022, avec le dispositif « regards de géomètre ».
Voulant rendre les mathématiques ludiques, accessibles à tous les élèves et leur montrer une autre facette de cette discipline, j’ai décidé d’adhérer au projet avec mes deux classes de troisième sur deux thèmes différents : le pixel art et la réalité augmentée. Je me concentrerai dans cet écrit uniquement sur le premier thème.
Lors de cette expérience, j’ai été accompagnée par l’ambassadrice du dispositif dans l’académie de Créteil, Lydie, une collègue de mathématiques charmante, disponible et enthousiaste. Elle m’a expliquée le déroulement et les moments clés que nous allions rencontrer avec mes élèves :
- L’intervention d’un universitaire en mathématiques apportant un regard expert sur le thème choisi.
- Le choix de l’œuvre artistique par les élèves.
- L’intervention d’un artiste qui les accompagne dans leur production de l’œuvre finale.
- Le colloque en fin d’année scolaire où les œuvres des différents participants seront exposées.
J’ai donc fait part à mes élèves que nous allions participer à un projet réunissant plusieurs établissement et différents niveaux de classe, ils ont appris le thème que j’ai retenu pour eux : le Pixel Art. Les collégiens ont été fabuleux, ils ont fait part de leurs connaissances sur le sujet, plusieurs idées ont émergé lors de cette première discussion : créer un jeu vidéo, créer la tour Eiffel ou la maquette de leur collège avec des cubes. Dans leur temps de communication, je ne suis pas intervenue. Ils ont imaginé, entendu les propositions, débattu, refusé certaines idées en mettant en évidence les difficultés de réalisation : le manque d’outils ou le manque de connaissance pour les utiliser. Ils ont réussi à tirer une conclusion collective en une heure de discussion : l’architecture de leur collège avec des cubes en utilisant du papier recyclé, leur établissement étant labellisé éco- collège. Ils ont souhaité nommer leur œuvre finale « Germaine Pixillions » en référence à leur collège, Germaine Tillion.
Ce moment est inoubliable dans ma vie d’enseignante car j’ai vu mes élèves s’investir à une vitesse incroyable dans une tâche. Leur imagination illimitée, leur effort pour concilier la matière avec une œuvre « stylée », en lien avec leur établissement dont ils sont « fiers » m’ont
définitivement confortée dans mon choix d’adhérer à ce projet avec eux.
J’ai donc contacté Lydie qui a partagé mon enthousiasme et mise en contact avec Luca Agostino, un collègue de mathématiques très à l’écoute et disponible pour l’intervention qui a eu lieu début février. Luca nous a apporté son regard expert sur le thème choisi. Il a été très investi dans le projet des élèves, il leur a expliqué l’étymologie du pixel art, leur a montré des œuvres réalisées dans cet art et la manière de créer une image en utilisant le code binaire. Sur des feuilles recyclées, les collégiens ont pu appliquer cette technique de création en pixel art.
Sur plusieurs feuilles, un quadrillage de 12 colonnes et 15 lignes était imprimé avec des nombres en face de chaque ligne. Le défi a été de trouver la somme des puissance de 2 de chaque ligne, de colorier les cases correspondantes à cette décomposition selon les puissances de 2 utilisées, d’assembler toutes les feuilles selon le marquage au dos et de trouver l’œuvre « surprise » que Luca avait pris soin de préparer.
Les 3è6 lors du remplissage des différentes grilles
Suite à l’intervention de Luca, les élèves ont compris qu’ils étaient en train de faire du voxel avec les cubes, ils ont donc abandonné leur première idée et ont continué l’œuvre apporté par le mathématicien.
« Germaine Pixillions » a été finalisé et exposé dans le couloir d’entrée du collège pour la rencontre parents – professeurs du deuxième trimestre, fin mars. L’œuvre a été déposée au mois de mai pour le colloque et est toujours exposée à la bibliothèque de l’Institut Henri Poincaré où elle restera jusqu’en septembre 2022.
Germaine Tillion
Germaine Pixillions
Les 3e6 du collège Germaine Tillion avec Germaine Pixillions
La seconde intervenante, Marie Ohye, une experte en ce qui concerne les origamis, a proposé aux élèves un modèle de pliage qui permet d’obtenir des carrés. L’idée est de respecter un plan de couleur et d’assembler les papiers en fonction de ce modèle. Les jeunes artistes ont commencé la production de cette œuvre également, qui représente la Statut de la Liberté.
Marie a été charmante et bienveillante avec les élèves. Ils ont appris l’art de l’origami et l’importance des mathématiques dans les arts. Cette séance a été pleine de richesses, de beaux échanges qui ont réuni les élèves, les professeurs et l’intervenante.
Par la suite, nous avons rédigé le cartel expliquant la création et le ressenti des élèves durant ce projet. Ils ont souhaité présenter l’œuvre « Germaine Pixillions » pour rester en lien avec leur collège.
Adhérer à ce projet a été pour moi une expérience géniale, j’ai voyagé avec mes élèves dans un univers encore inconnu. Grâce aux intervenants et à Lydie, nous sommes sortis du contexte des cours classiques. Les élèves ont pu aborder les mathématiques de manière ludique pour créer des œuvres mêlant « la matière détestée » aux arts.
Les collégiens ont apprécié les différents moments forts, ils ont appris et développé plusieurs connaissances et compétences. J’ai été ravie de partager tout cela avec eux. De plus, tout au long de l’année, j’ai toujours été accompagnée par Lydie et les intervenants qui ont été vraiment géniaux, leurs échanges avec les adolescents étaient fabuleux. Ils m’ont, à titre personnel, appris beaucoup de choses aussi !
Je recommande aux collègues qui souhaitent réaliser une œuvre artistique en utilisant les mathématiques de participer à ce projet par le biais de l’association « les maths en scène », l’expérience mérite d’être vécue. L’enthousiasme des élèves, la qualité des rencontres, la fierté de voir le travail aboutir sur une œuvre et la présentation des élèves lors du colloque sont inoubliables et apportent une richesse humaine et professionnelle indéniable.